crédit photo : Catherine Boisvenue Ménard

 Corps équivoques

Catherine Boisvenue Ménard
29 septembre au 9 décembre 2023

Vernissage le 29 septembre de 17h à 19h

 Dans une démarche résolument interdisciplinaire, Catherine Boisvenue Ménard nous présente un corpus d’installations vidéographiques donnant lieu à des dialogues intrigants entre la peinture, la sculpture, l’installation, les arts performatifs, la marionnette, le cirque, la danse, les arts numériques et la création sonore. De curieuses silhouettes colorées nous transportent dans un monde ludique et fantaisiste où les corps sont des figures mouvantes, plurielles et ambigües, à mi-chemin entre le végétal, l’animal, le monstrueux et le spirituel. Communément inspirée par les couleurs et les formes retrouvées dans la nature, l’artiste nous présente en ce lieu son désir de communier avec la force matrice, régénératrice et libératrice de la mer.

Le projet Corps équivoques prend naissance dans son atelier à partir d’explorations autant techniques que performatives. D’imposantes sculptures évoquant les coquillages sont ainsi produites grâce à des procédés de modelage recourant à des matériaux tels que le papier-mâché, le plâtre et l’époxy, pour enfin compléter avec la peinture. Le simple travail de construction de ces entités marines lui permet de convertir son espace de création en un refuge, de la même façon qu’elle retournerait marcher sur le sable des plages, lieux pour lesquels elle accorde un fort lien d’attachement.

L’espace se transforme ensuite en un studio où un couple de danseurs se met en scène avec les sculptures, explorant alors un processus métamorphique au cours duquel leurs corps voguent vers de nouvelles rythmicités. Ils se laissent envahir par l’objet jusqu’à devenir eux-mêmes des créatures fantastiques et ambiguës, appartenant à l’imaginaire fertile des grands océans. Ce sont les enregistrements vidéos des ces performances, parfois altérés numériquement ou pas, et posés dans l’espace en correspondance avec les sculptures, que nous présente et nous immerse Catherine Boisvenue Ménard dans le cadre de cette exposition chez Atoll|art actuel.

Le processus de l’artiste repose considérablement sur l’idée du “retour au corps”, aspirant célébrer celui-ci comme un possible terrain d’échanges et un lieu de transgression. Elle questionne ses capacités à capter l’imperceptible, à entrer en relation avec l’altérité - c’est-à-dire avec l’autre, mais aussi avec les éléments naturels et environnants - à se régénérer et à se transformer. Telle une protestation envers la relation contemporaine du corps avec le monde qui l’entoure, les œuvres de l’artiste habitent l’espace de façon immodérée, de manière à nous autoriser à prendre conscience de notre dimension corporelle, à se réapproprier nos pouvoirs, à redécouvrir nos capacités de résistance et à activer notre aptitude de résilience.

Ses projets d’envergures deviennent dès lors un moyen de célébrer le corps, mais également, de se libérer d’un réflexe de désensibilisation et de distanciation au monde naturel. Un phénomène que Suely Rolnik, une philosophe brésilienne à laquelle l’artiste accorde une importance majeure dans sa démarche, décrit comme une conséquence directe des différents traumas de la colonisation capitaliste. L’exposition Corps équivoques nous propose une immersion dans un univers créatif et vigoureux, ranimant notre relation intrinsèque aux forces du vivant.

«Connaître le monde, c’est ici porter écoute à sa réverbération corporelle, s’imprégner des forces silencieuses, se mêler à elles et, depuis cette fusion, réinventer le monde et soi-même, devenir autre» - Suely Rolnik, D’une cure pour temps dénués de poésie